Depuis l'instauration du multipartisme en 1974, le Sénégal s'est affirmé comme l'un des pays les plus stables d'Afrique de l'Ouest. Selon un rapport de la Commission Economique pour l'Afrique de l'ONU, le pays est destiné à faire partie des 10 économies à plus forte croissance du monde. Si ces estimations sont très prometteuses et reflètent de nombreuses opportunités, les risques associés au pays ne doivent pas être minimisés.
Depuis l’indépendance du Sénégal en 1960, le pays a connu une stabilité politique remarquable pour la zone, qui le maintien parmi les pays les plus stables du continent. C’est en effet le seul pays d’Afrique de l’Ouest qui n’a pas connu de coup d’Etat militaire. Les tensions politiques n’ont pour leur part jamais évolué en remise en question du système démocratique, et ce grâce à une forte culture du dialogue politique. La fiabilité du système électoral a permis trois alternances de pouvoir qui se sont déroulées de façon pacifique. Le pays a connu une succession de dirigeants qui, malgré leurs différences, ont défendu le processus démocratique et respecté, à des degrés divers, l'État de droit. Le Rule of Law Index est en effet de 0.55, contre une moyenne régionale de 0.46.
En conséquence, les institutions politiques bénéficient elles aussi d’une stabilité satisfaisante, et la séparation des pouvoirs législatifs et exécutifs permet le respect du processus démocratique. Ainsi, les perspectives économiques s'améliorent, car la stabilité des institutions politiques crée un environnement propice au développement. Selon la BCE, un pays aux institutions fragiles aura du mal à assurer une croissance durable en raison de l'incertitude que cela engendre pour les investisseurs. La stabilité institutionnelle du Sénégal constitue donc un atout structurel majeur, favorisant son développement économique.
Cette stabilité politique et institutionnelle a permis au Sénégal développer une économie très dynamique. D’après la Banque Mondiale, le pays a connu une accélération significative de sa croissance économique au cours des dix dernières années, avec un taux moyen de plus de 6% entre 2014 et 2019. Globalement, l’économie sénégalaise s’est montrée résiliente en 2023 dans un contexte de tensions politiques conjuguées à une inflation persistante, quoiqu’en baisse. La croissance du PIB réel est estimée à 4,3 %, soit supérieure au taux de croissance de 3,8 % enregistré en 2022 et au-dessus des projections initiales de 4,1 %. De plus, le Sénégal bénéficie d’une économie très diversifiée : le secteur primaire représente 16,5 % du PIB, le secondaire équivaut à 25,6 % du PIB, et le tertiaire représente 57,9 % du PIB.
Concernant le secteur primaire, la production végétale est en plein essor, avec un fort potentiel de terres arables. Le Sénégal bénéficie d’importantes ressources halieutiques qu’elle exploite surtout pour l’exportation. Les cultures horticoles et céréalières sont aussi en expansion, avec des opportunités d’exportation vers l’Afrique, l’Europe, les Etats-Unis et le Moyen-Orient. L’agro-industrie offre également des opportunités attractives avec des débouchés sur le marché́ local, régional et international. S’il représente actuellement un sixième du PIB, les ambitions de développement des capacités de production sont à saisir : matériels agricoles, machines-outils, chimie spécialisée, culture céréalière, etc.
Le secteur secondaire, en particulier dans le domaine de l'énergie, connaît une croissance soutenue. La volonté d’atteindre plus de 30 % d’énergies vertes dans le mix énergétique accélère le recours aux photovoltaïques et aux producteurs indépendants d’énergies. De plus, la découverte de pétrole en 2014 s’annonce être un moteur de croissance et d’opportunités formidable pour le pays. L’objectif de production est compris entre 100 et 125 000 bl/j pour le pétrole, et 2,5 Mt de Gaz Naturel Liquéfié par an. Dans ce contexte, le savoir-faire des énergéticiens est à valoriser sur divers pans de la chaîne : étude ante-projets, maintenance, expertise, etc. Selon la Banque Mondiale, la production pétrolière promet de dynamiser l’économie, avec une croissance qui devrait atteindre 9,3 % en 2024 et 10,2 % en 2025. Le secteur secondaire est ainsi appelé à connaître un développement considérable dans les années à venir.
Enfin, les investissements en infrastructures sont en pleine croissance, de la construction routière au transport ferroviaire en passant par le secteur de l’eau. Historiquement, le secteur des services a le plus contribué à la productivité grâce à la croissance intersectorielle.
En outre, des politiques publiques sont mises en place pour stimuler de manière significative la croissance annuelle. Par exemple, depuis 2012, le Plan Sénégal Émergent propose un programme d’investissement ambitieux, basé sur 27 groupes de projets prioritaires et 17 domaines de réforme.
Par ailleurs, les autorités sénégalaises ont manifesté leur vigilance vis-à-vis de la menace terroriste dès le début des années 2000, en mettant en place des dispositifs de prévention et de lutte anti-terroriste. Des moyens spécifiques sont déployés, notamment dans le domaine du renseignement, afin de traquer ou démanteler sur le territoire les potentiels foyers de recrutement de jeunes candidats au terrorisme djihadiste. Par conséquent, le Sénégal étant moins touché par le terrorisme que ses voisins, il est une destination favorable aux investissements. Par ailleurs, depuis 2016, l’Etat français considère que la Casamance n’est plus une zone à risque.
Cependant, bien que le pays recèle d’opportunités, il convient de prendre en compte les risques qui peuvent entraver le bon déroulé des affaires.
Le changement récent de gouvernance pourrait présenter un obstacle au développement du pays, si les ambitions du président pour le pays venaient à changer. Premièrement, le pays souffre de difficultés budgétaires. La dette publique du Sénégal s’élevait à 79,6 % du PIB fin 2023 et devrait atteindre 72,5 % du PIB fin 2024. Le report de l’élection présidentielle a en outre conduit à un défaut de rentrées fiscales sur le premier trimestre 2024 par rapport aux prévisions, à hauteur de 132 milliards de francs CFA (environ 200M d’euros), mettant à risque ces progrès. L’analyse de soutenabilité de la dette du FMI et de la Banque mondiale maintient un risque modéré de surendettement (externe et global), avec toutefois une marge de manœuvre très limitée pour absorber les chocs à court terme.
Le gouvernement s’est néanmoins engagé à réduire la dette en supprimant progressivement les subventions à l’énergie (dont le montant est estimé à 4% du PIB) d’ici 2025. Ces efforts, conjugués à des perspectives de croissance robuste, pourraient inverser la tendance à la hausse de la dette. La position extérieure devrait encore s’améliorer avec le début de la production d’hydrocarbures en 2024. Cependant, ces projets hydrocarbures pourraient également être affectés par une incertitude croissante à la suite des élections récentes.
Les projets sont fortement dépendant des choix du nouveau président, qui pourrait décider de revenir sur ces décisions. Le président sortant, M. Faye, a exprimé son intention de prendre en charge les secteurs pétrolier et minier. En l'absence de consensus concernant la révision des contrats dans ces secteurs, le bon déroulement des projets pourrait être gravement compromis, entraînant ainsi une réduction significative des perspectives économiques. Cette éventualité viendrait s'ajouter à des problèmes déjà existants, puisque lesdits projets accumulent actuellement un retard de 28 mois.
Enfin, le Sénégal fait face à une inflation élevée comparée au reste de la région. Après avoir atteint un sommet de 9,7 % en 2022, l'inflation a diminué pour s'établir à 5,9 % en 2023. Pour juguler cette inflation, la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest a relevé ses taux directeurs. Bien que le nouveau président n'ait pour l'instant donné aucune indication d’intention de dévier de ces orientations économiques, la pérennité de ces politiques est essentielle pour en assurer l'efficacité et réduire les risques, une responsabilité qui incombe au gouvernement.
En définitive, la situation économique du Sénégal est vulnérable aux risques politiques associés au changement de pouvoir. Bien que la situation économique du pays ne soit pas alarmante, les prochains choix politiques auront une grande incidence sur l’évolution de cette dernière. L’incertitude qui a caractérisé l’ascension au pouvoir de M. Faye pourrait être doublée par des changements dans les décisions économiques prises. Le cas échéant, d’après la Bpi, la situation économique du pays serait grandement détériorée.
De plus, le pays est confronté à une vulnérabilité importante face au changement climatique. En effet, les évolutions climatiques et en particulier la baisse de la pluviométrie et la désertification sont des éléments qui pourraient entraver la croissance économique, impactant de façon disproportionnelle le secteur primaire. Le Sénégal se trouve au 150ème rang sur 181 pays selon les indicateurs de vulnérabilité ND Gain et a un niveau très élevé d’exposition à des risques physiques à moyen/long terme face au changement climatique.
De surcroît, une pratique importante de la corruption dans le secteur privé ou en lien avec les administrations constitue un risque. Le Sénégal est classé 70ème (sur 180) sur l’indice de Transparency International, et selon AfroBarometer, les Sénégalais perçoivent une hausse de la corruption, mais craignent des représailles en cas de dénonciation.
De plus, le secteur informel continue de dominer l’économie et représente, d’après l’OIT, au moins 50% du PIB et 95 à 97% des entreprises. Les entreprises informelles adoptent une approche davantage sociale que capitaliste dans leur mode de fonctionnement. La gestion des ressources humaines privilégie généralement les membres de la famille, une partie des employés n'est pas rémunérée, et la gestion des conflits se fait de manière paternaliste. Dans la société sénégalaise, le principe de conformité à la nature, au mode sociétal établi, le respect de la hiérarchie sont primordiaux et l’entraide est plus favorisée que la coopération.
Ces valeurs très profondément ancrées dans le schéma social ont une incidence sur les pratiques économiques, et d’autant plus dans les milieux ruraux. Ces normes influent lourdement sur l’économie locale par la création de rapports commerciaux basés plus sur la négociation que sur la maximisation des profits, ce qui relève d’une logique difficilement conciliable avec les notions de coût et d’optimisation des facteurs de production.
Concernant les risques sécuritaires, il convient de prendre en compte une délinquance élevée dans les villes et des zones frontalières où la situation évolue et doit faire l’objet d’une analyse ciblée suivant les projets. Bien que des efforts de paix aient été entrepris, notamment des accords de cessez-le-feu, des tensions et des violences sporadiques persistent en Casamance, rendant la région instable. Des frictions séparatistes ainsi que de la présence de mines terrestres menacent la sécurité des habitants.
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