Le Liban est confronté à des défis énergétiques, économiques et environnementaux complexes qui exigent une transition vers des sources d'énergie plus durables et renouvelables. De plus, une infrastructure énergétique vieillissante et inefficace aggrave les problèmes, entraîne des pannes de courant fréquentes et compromet la sécurité énergétique. La crise énergétique a non seulement limité l'accès à l'électricité, mais a également gravement affecté l'accès des citoyens libanais à des services essentiels tels que la santé, l'éducation et l'eau potable. Selon Human Rights Watch, "la crise énergétique a exacerbé les inégalités sociales, rendant l'électricité une commodité accessible principalement aux plus riches. La dépendance croissante aux générateurs privés, souvent très coûteux, a renforcé ces inégalités". Les pénuries d'électricité ont également perturbé les activités économiques, aggravant la situation financière de nombreux foyers. Face à ces enjeux, la transition vers les énergies renouvelables apparaît comme une solution nécessaire. Cependant, cela nécessite des réformes politiques et réglementaires, des investissements dans les infrastructures et une ouverture aux capitaux étrangers. Cet article explore les défis rencontrés par le Liban dans sa transition énergétique, en mettant en lumière les aspects liés aux politiques publiques, aux infrastructures et aux investissements étrangers.
La dépendance du Liban aux sources d'énergie traditionnelles telles que le pétrole et le gaz naturel expose le pays à des risques de volatilité des prix sur les marchés internationaux. Cette dépendance engendre également des pressions environnementales croissantes, avec des émissions de gaz à effet de serre et une pollution de l'air préoccupantes. Depuis l’été 2021, la population libanaise fait face à une grave crise énergétique, avec un accès à l’électricité publique limité à seulement 2 à 3 heures par jour, parfois même des pannes totales. Cette situation critique trouve ses racines dans les séquelles de la guerre civile (1975-1990), malgré une brève amélioration jusqu’à 2006.
Depuis lors, le secteur de l'électricité a subi une détérioration constante, due à divers facteurs tels que l'insuffisance de la capacité installée, le manque d’investissements, les blocages des importations de combustible, la corruption et le clientélisme. Cette crise énergétique s'étend également sur le plan géographique, touchant toutes les régions du pays. En parallèle, le Liban est plongé dans une grave crise financière depuis octobre 2019, marquée par le premier défaut de paiement du pays en mars 2020.
Les répercussions économiques de la pandémie de Covid-19, l’impasse politique persistante, et l’explosion tragique du port de Beyrouth en août 2020 ont exacerbé la récession, précipitant ainsi l’effondrement économique. L'inflation a atteint des niveaux alarmants, avec une moyenne de 145 % en 2021, classant le Liban au troisième rang mondial en termes de taux d’inflation, après le Venezuela et le Soudan. En particulier, l’inflation annuelle de l’électricité, du gaz et de l’eau a atteint près de 600 % en juin 2022.
La gestion de la compagnie d’électricité publique, Électricité du Liban (EDL), présente des défis significatifs, reflétant des problèmes structurels dans le secteur de l'énergie. Le pays a connu des difficultés persistantes, telles que des coupures d’électricité généralisées, en partie dues à des infrastructures vieillissantes et un manque d’investissements. Les efforts de réforme dans ce secteur ont souvent été annoncés par les gouvernements successifs sans se matérialiser pleinement.
La loi prévoit la création d’une Autorité de régulation de l’électricité, destinée à diriger ce secteur. Toutefois, en pratique, c’est le Conseil des ministres et en particulier le ministre de l’Énergie et de l’Eau qui exercent ce contrôle. Le ministre a la charge de la délivrance des licences et permis de production, et supervise les politiques du secteur tout en assurant sa surveillance financière.
Malgré les défis, des initiatives sont en cours pour améliorer la situation. Par exemple, le gouvernement libanais a récemment signé un accord avec la Banque Mondiale pour financer des projets de réforme du secteur de l'électricité. Cependant, la mise en œuvre de ces projets reste lente en raison de l'instabilité politique et des lourdeurs administratives.
Le Liban dispose d’un fort potentiel en matière d'énergies renouvelables, grâce à son taux d’ensoleillement élevé (300 jours par an), ses vents importants (30 km/h en moyenne dans la région du Akkar) et ses ressources en eau dans la montagne. Pour autant, la capacité installée en énergies renouvelables est quasi-nulle, à l'exception de quelques infrastructures hydroélectriques vieillissantes. L’État libanais s’est fixé un objectif de 30 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030, dont le financement serait très largement pris en charge par le secteur privé (IPP). Les infrastructures énergétiques au Liban présentent des défis majeurs pour la transition vers les énergies renouvelables.
Le réseau électrique vieillissant du pays nécessite une modernisation urgente pour intégrer efficacement les sources d'énergie renouvelable intermittentes telles que l'énergie solaire et éolienne. De plus, la capacité limitée de production d'énergie renouvelable et les contraintes techniques liées à l'interconnexion au réseau posent des défis supplémentaires pour l'expansion des énergies propres au Liban.
Les investissements étrangers sont cruciaux pour le développement des capacités en énergies renouvelables au Liban. Toutefois, les investisseurs potentiels sont confrontés à plusieurs risques, notamment la corruption endémique, les infrastructures défaillantes et les difficultés à faire circuler des devises.
Des rapports de Transparency International et des ONG locales soulignent le besoin urgent de réformes pour améliorer l'environnement des affaires et attirer des capitaux étrangers. De plus, le FMI a indiqué que la mise en œuvre de réformes économiques et financières est essentielle pour stabiliser l'économie et renforcer la confiance des investisseurs.
Le développement des énergies renouvelables au Liban est tributaire de plusieurs réformes essentielles. Pour les Projets d'Énergie Indépendants (IPP), le cadre réglementaire actuel ne permet plus l'octroi de licences de production depuis l'expiration de la régulation temporaire qui autorisait le Conseil des ministres à les accorder jusqu'à mi-2021.
Ainsi, il serait impératif d'établir une autorité de régulation du secteur de l'électricité pour assurer une gouvernance adéquate. Le redressement financier d'Électricité du Liban (EDL) est également crucial, car cette entreprise publique sera chargée de la transmission et constituera, au moins dans un premier temps, la contrepartie des IPP. Actuellement, le risque associé à EDL en tant que contrepartie est presque aussi élevé que le risque-pays libanais, soulignant l'urgence de sa réforme financière.
En ce qui concerne les projets décentralisés, l'adoption de la loi sur l'énergie renouvelable décentralisée, en cours d'examen au Parlement, est nécessaire pour ouvrir le réseau aux petits producteurs d'énergie renouvelable (jusqu'à 10 MW). Ces producteurs seraient alors autorisés à vendre leur électricité à des tiers en versant des redevances à EDL pour la transmission.
De plus, la mise en place d'un système de compensation, tel que le "net metering", pour les petits producteurs d'énergie connectés au réseau est envisagée. Les investissements étrangers jouent un rôle crucial dans la transition énergétique du Liban.
Cependant, le pays est confronté à d'importants besoins financiers pour développer ses capacités en énergies renouvelables, tout en étant limité par des contraintes budgétaires et un accès restreint aux financements internationaux. L’attrait pour les investisseurs étrangers dépendra de la mise en place d'un environnement réglementaire favorable, de la réduction des risques liés à l'instabilité politique et économique, ainsi que de la promotion de partenariats public-privé dans le secteur énergétique.
Plusieurs projets dans le cadre des Investissements dans les Projets d'Énergie (IPP) ont été envisagés depuis le début des années 2010, mais ils ont été suspendus en raison de la crise économique et financière.
Par exemple, la construction de trois parcs éoliens dans le Akkar, avec une capacité cumulée de 226 MW, a été approuvée en 2019. Ce projet, estimé entre 300 et 350 millions de dollars, impliquait initialement trois entreprises libanaises et plusieurs bailleurs internationaux. Bien que les licences aient été octroyées et les contrats d’achat d’électricité (PPA) signés, les bailleurs se sont retirés suite à la crise économique.
Par ailleurs, plusieurs projets d’énergie solaire de taille moyenne ont été sérieusement envisagés. Le ministère de l’Énergie a octroyé des licences pour l'installation de 11 fermes photovoltaïques, chacune d'une capacité de 15 MW (soit 10 à 15 millions de dollars par projet), dans différentes régions du pays. L'installation de trois fermes photovoltaïques totalisant une capacité de 300 MW était également à l'étude. Malgré l'intérêt manifesté par des entreprises locales et étrangères, ces projets sont actuellement à l'arrêt faute de financement.
La transition énergétique au Liban est un impératif crucial pour répondre aux défis énergétiques et environnementaux du pays. L'engagement du secteur privé, soutenu par des partenariats public- privé et des initiatives de coopération internationale, est essentiel pour mobiliser les financements nécessaires et assurer le développement des infrastructures adéquates. Dans ce cadre, il sera essentiel pour les investisseurs de bien évaluer les risques associés à ces opportunités. Une compréhension approfondie de la réglementation locale, des dynamiques économiques, des mécanismes de corruption et des conditions sécuritaires est indispensable pour investir localement. Une gestion proactive de ces risques permettra de saisir les opportunités d’affaires que représentent la transition énergétique au Liban.
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