Depuis la découverte d’importants gisements de pétrole, le Guyana a vu sa croissance augmenter considérablement, attirant l’attention du monde. Cependant, bien que cette découverte ait fait naître des espoirs de développement pour un des pays auparavant parmi les plus pauvres d’Amérique Latine, investir au Guyana comporte plusieurs risques à prendre en compte.
Le 20 mai 2015, le destin du Guyana bascule lorsque la compagnie américaine ExxonMobil découvre un important gisement de pétrole offshore au large des côtes du pays. Depuis, une trentaine d’autres découvertes se sont succédé (la dernière datant du 15 mars 2024) et ont propulsé le pays au rang des 2èmes plus grandes réserves par habitant au monde (derrière le Koweït et devant le Qatar), et au 17ème rang mondial pour le total des réserves, avec des réserves estimées à plus de 11 Mds de barils selon le ministère de l’Économie français. Fort de ces nouvelles ressources, le Guyana a ainsi quadruplé ses exportations de pétrole entre 2020 et 2022, et devrait continuer son ascension dans les années à venir, selon le World Energy Outlook 2023 publié par l’Agence Internationale de l’Energie.
Porté par le développement de l’industrie pétrolière, le PIB du Guyana s’élevait à 13,38 Mds de dollars en 2022, lui offrant la meilleure croissance mondiale (63% du PIB) selon les chiffres de la Banque Mondiale.
Cette croissance est d’autant plus flagrante compte tenu du fait que le PIB du pays ne s’élevait qu’à 4 Mds de dollars en 2015. Aussi, selon le ministère de l’Économie français, bien que le Guyana soit le 11ème pays sur les 12 d’Amérique du Sud en termes de PIB, il est le 2ème pour ce qui est du PIB par habitant. Néanmoins, le Guyana reste un pays relativement pauvre, où 43% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (fixé à 5,50 dollars par jour) selon l’UNICEF. De plus, selon la Commission Economique pour l’Amérique Latine (CEPAL) des Nations Unis, en 2022, les exportations de pétrole brut représentaient 93,8% des exportations totales en 2022. Par ailleurs, le Guyana a affiché en 2022 son premier excédent courant (26% du PIB).
Cependant, dans une étude consacrée au Guyana, publiée en novembre 2022, le FMI a alerté sur le manque de diversification de l’économie. L’industrie pétrolière représentant plus de la moitié du PIB en 2022, combiné avec la forte volatilité des prix du pétrole, rend particulièrement difficile et fragile le maintien de la stabilité macroéconomique du pays face aux chocs extérieurs.
Concernant les échanges avec la France, selon le ministère de l’Économie français, en 2021, la France était le 22ème client et le 25ème fournisseur du pays. Aussi, l’ouverture d’une ambassade française au Guyana annoncé pour 2025 témoigne d’un intérêt grandissant.
Les États-Unis et Singapour sont les principaux partenaires commerciaux du pays. Singapour doit toutefois sa place grâce à son positionnement de transit portuaire dans les chaînes d’approvisionnement asiatiques et mondiales. Concernant les importations, Trinidad-et-Tobago est le 1er fournisseur du pays en 2022 (29 %), suivi des Etats Unis (21 %) et de la Chine (9%).
Cette attractivité se traduit également dans les investissements reçus par le pays. Selon le rapport 2023 sur l’investissement dans le monde de la CNUCED, le Guyana a accueilli un total de 4,4 Mds de dollars d’IDE en 2022, principalement dans les secteurs du pétrole et du gaz, alors qu’avant 2017 les IDE n’avaient jamais excédé 300 millions de dollars par an.
Le Guyana cherche alors à attirer les investisseurs étrangers en instaurant un environnement commercial favorable. Le pays possédant déjà un investissement étranger dans le secteur pétrolier dynamique, en témoigne la clôture avec succès en septembre 2023 de l’appel d’offres pour 8 blocs pétroliers et gaziers. Par ailleurs, le pays est membre de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), qui facilite l’intégration et l’investissement à travers l’établissement d’un marché commun et différents accords commerciaux, tel celui avec l’UE signé en 2008.
Aussi, le pays a mis en place des mesures incitatives, notamment en ce qui concerne le taux d’imposition des entreprises, les droits de douane et les taxes à l'exportation. Enfin, le pays possède un office pour l’investissement qui fournit différentes directives pour investir dans le pays.
Cependant, bien que le pays recèle d’opportunités, il convient de prendre en compte les risques qui peuvent entraver le bon déroulé des affaires.
Malgré une croissance fulgurante ces dernières années, le pays reste un pays peu développé qui manque d’infrastructures de qualité. En effet, le Guyana est classé 115ème sur 139 économies évaluées par l’indice de performance logistique 2023 de la Banque Mondiale, mesurant la qualité des infrastructures commerciales et de transports. A l’exception du Venezuela qui se classe 123eme, le Guyana est en dessous de la plupart des pays de la région, tel que le Brésil (51ème), la Colombie (66ème) ou la République Dominicaine (88ème). A noter que le Suriname n’est pas évalué par l’indice.
De plus, son classement a diminué dans le rapport Doing Business de la Banque Mondiale, mesurant la facilité de faire des affaires dans 190 économies. Classé 126ème en 2018, il passe à la 134ème place en 2020. Le rapport indique également que le Guyana possède un score bas et en dessous des moyennes régionales en ce qui concerne les permis de construire, l’accès à l’électricité et les processus logistiques d’import et d’export.
Un autre risque concerne le score bas du pays en matière de liberté économique. Le Guyana est en effet classé 98ème sur 184 économies évaluées par l’indice 2024 de liberté économique réalisé par la fondation Heritage et est donc classé parmi les économies « majoritairement non libre ». Le développement économique à long terme et à grande échelle du pays reste en effet entravé par des faiblesses structurelles qui découlent d'un cadre juridique inefficace et d'une corruption généralisée.
En effet, le pays est classé 87ème sur 180 pays évalués dans l’indice de perception de la corruption 2023 de Transparency International, ce qui le place au même niveau que le Suriname et la Colombie. Bien qu’ayant un meilleur score que ses voisins le Venezuela et le Brésil, le pays est en dessous d’autres pays tel que Cuba ou la Jamaïque. A noter cependant que le Guyana fait partie des rares pays de la région à avoir amélioré son score dans la dernière décennie (124ème place en 2014).
De plus, le pays a réalisé d’importants progrès en matière de transparence financière, ce qui a permis en 2016 son retrait de la liste grise, c’est-à-dire des pays soumis à une surveillance renforcée, du GAFIC (Groupe d’Action Financière des Caraïbes) qui identifie les juridictions dont les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont faibles.
Le Guyana a aussi rejoint en 2017 l’initiative pour la transparence des industries extractives, une norme mondiale pour promouvoir une gestion ouverte et responsable des ressources naturelles, pouvant aider le pays à mieux gérer le développement du secteur pétrolier.
Cependant, la corruption, particulièrement dans le système judiciaire et dans l'attribution des marchés publics, reste une préoccupation majeure.
La criminalité, particulièrement celle en lien avec les trafics de drogue, est une source de risque pour les investisseurs étrangers. Selon l’indice mondial du crime organisé, bien que le score global de criminalité du Guyana soit inférieur à celui du Brésil, du Venezuela et de la Colombie, on observe une augmentation significative des groupes criminels depuis 2021. Le Guyana est en effet un pays de transit pour le commerce des drogues vers les États-Unis ou l’Europe. Les trafiquants utilisant les ports mal surveillés, les pistes d'atterrissage éloignées, les réseaux fluviaux et les frontières terrestres poreuses. Par ailleurs, la présence des réseaux criminels parmi les acteurs politiques est une problématique majeure au Guyana. Ainsi, les entreprises d'exploitation forestière, de riz, de poisson et de fruits de mer sont régulièrement utilisées pour faire entrer et sortir de la drogue du pays.
Par ailleurs, les activités de blanchiment d'argent sont courantes au Guyana, que ce soit via des bureaux de change non règlementés, des dépôts importants d'argent liquide en utilisant de faux contrats ou encore via des métaux précieux dissimulés dans des transports transfrontaliers.
Enfin, les gisements découverts ont réveillé un contentieux avec le Venezuela concernant la région de l’Essequibo, suscitant des tensions. En effet, les gisements découverts en 2015 se situent au large de d’une région revendiquée par le Venezuela depuis plus d’un siècle. Et, bien que le Guyana soit un membre du Commonwealth et bénéficie également du soutien des États-Unis, les tensions se sont particulièrement durcies en décembre 2023 lorsque le président du Venezuela a organisé un referendum pour le rattachement de l’Essequibo au Venezuela et a ordonné l’octroi de licences de sa propre compagnie nationale pour exploiter le pétrole de la région, semblant alors annexer de fait le territoire. Depuis, les deux États ont signé une déclaration de paix sous la médiation du président brésilien, mais continuent de maintenir leur position respective.
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